Études littéraires
Section 11 : Banlieues : figurations de l’espace populaire ? Les périphéries urbaines dans les représentations culturelles (XIXe–XXIe siècle)
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Section 11 : Description
Constance Barbaresco1, Sybila Guéneau1, Matthias Kern2
1EHESS Paris, 2Technische Universität Dresden
constance.barbaresco@ehess.fr, sybila.gueneau@ehess.fr, matthias.kern@tu-dresden.de
Banlieues : figurations de l’espace populaire ? Les périphéries urbaines dans les représentations culturelles (XIXe–XXIe siècle)
Tout travail sur la « banlieue » se heurte à des difficultés de définition tant le terme recouvre des notions aussi bien juridiques, géographiques, sociologiques et culturelles que symboliques. Si ce mot qualifie les espaces qui se trouvent dans les alentours et sous la dépendance d’une grande ville, son découpage spatial n’est ni continu ni homogène dans le temps. Il est pourtant possible d’aborder la banlieue en étudiant les imaginaires culturels et sociaux (Castoriadis) projetés sur elle.
Au début du XIXe siècle, la littérature participe à la construction d’une, ou plutôt des identités de la banlieue comme espace dédié aux pratiques de plusieurs strates de la société. Nous voulons nous intéresser en particulier à la représentation des classes populaires en banlieue, source d’une vaste production littéraire aux XIXe et XXe siècles, puis cinématographique au XXe et XXIe siècles, qui imprègne les mentalités et s’inscrit dans le patrimoine culturel de certaines communes.
D’abord, la littérature façonne des images de banlieue verte – celle des champs, des bois et des bords de l’eau –, en s’emparant de pratiques récréatives des classes populaires parisiennes (de Kock, Maupassant, les frères Goncourt, Zola, Daudet). A la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, d’autres couleurs banlieusardes apparaissent en littérature. Teinté de noir, de gris, de marron ou de rouge (Fourcaut) cet espace se met à incarner la marginalité, la précarité, la menace ou le crime (Céline, Marmouset, Queneau, Bove, Simenon). En France, la littérature policière – plus particulièrement le roman noir puis le mouvement du « néo-polar » – est la première à documenter la réalité sociale des grands ensembles de la banlieue parisienne dans le domaine de la fiction littéraire. La banlieue cristallise ainsi plusieurs facettes du « peuple » auxquelles nous voulons nous confronter.
La littérature n’étant pas isolée dans sa production d’imaginaires banlieusards, il est possible d’élargir les interventions à d’autres corpus culturels comme le cinéma, la photographie ou la chanson/le rap. Afin de peindre un vaste panorama, cette section se propose de se focaliser sur des œuvres issues de l’espace francophone depuis le XIXe siècle jusque dans l’époque contemporaine.
Pendant le colloque, nous poursuivrons les principaux axes de recherche suivants :- L’imaginaire social de la banlieue : histoire de la construction culturelle d’images de la banlieue, par des comparaisons médiales
- Mise en récit des pratiques populaires : analyses des relations entre les espaces péri-urbains et le populaire dans la narration et dans l’écriture
- Criminalisation, marginalisation et menaces : sur les stratégies de la mobilisation émotionnelle (peur, sidération) de l’espace péri-urbain dans les médias.
- Fiction et référentialité : questions des relations entre l’univers fictionnel et la réalité sociale et spatiale de la banlieue
- Esthétique et politique : sur les conséquences politiques d’une mise en récit de la périphérie urbaine.
Bibliographie 1 : sur les représentations des « peuples » en banlieue
Cannon, James. 2015. The Paris Zone: A Cultural History, 1840-1944. Farnham: Ashgate.
Corbin, Alain (ed.). 1995. L’Avènement des loisirs (1850-1960). Paris: Aubier.
Csergo, Julia. 2011. La partie de campagne: une représentation du loisir périurbain, fin XIXe-début XXe siècle. In Myriam Tsikounas (ed.), Imaginaires urbains. Du Paris romantique à nos jours, 115–156. Paris: Le Manuscrit.
Csergo, Julia. 2004. Parties de campagne. Loisirs périurbains et représentations de la banlieue parisienne, fin XVIIIe-XIXe siècles. Sociétés et représentations 17. 15–50.
Fourcaut, Annie (ed.). 1992. Banlieue rouge 1920-1960. Années Thorez, années Gabin: archétype du populaire, banc d'essai des modernités. Paris: Autrement, Mémoires/Histoire.
Fourcaut, Annie. 2000. Aux origines du film de banlieue: les banlieusards au cinéma (1930-1980). Sociétés et représentations 8. 113–127.
Fourcaut, Annie. 2004. Entre Gabin & Marina Vlady: les banlieusards au cinéma pendant les Trente Glorieuses. In Gauvard, Claude & Jean-Louis Robert (eds.), Être parisien, 587–596. Paris: Publications de la Sorbonne.
Gérôme Noëlle, Danielle Tartakowski & Claude Willard (eds.). 1988. La Banlieue en fête: de la marginalité urbaine à l’identité culturelle. Saint-Denis: Presses universitaires de Vincennes.
Le Pajolec, Sébastien & Jean-Jacques Yvorel. 2011. Du « gamin de Paris » aux « jeunes de banlieue », évolution du stéréotype. In Tsikounas, Myriam (ed.), Imaginaires urbains du Paris romantique à nos jours, 191–246. Paris: Le Manuscrit.
Rabault-Mazières, Isabelle. 1997. Les Parisiens « aux champs ». Banlieue et loisir au XIXe siècle. Villes, histoire et culture 2/3. 177–197.
Schilling, Derek. 2002. La grande banlieue d’Eugène Dabit. Essai de géopoétique historique. Poétique 131. 331–355.
Van Waerbeke, Jacques. 1991. Images d’espaces de la banlieue de Paris (XIXe et XXe siècles): étude de géographie culturelle. Lille: Atelier national de reproduction des thèses.
Van Waerbeke, Jacques. 1996. La poétique spatiale des représentations de la banlieue parisienne. Géographie et cultures 19. 51–78.
Bibliographie 2 : outils théoriques
Amossy, Ruth & Anne Herschberg-Pierrot. 1997. Stéréotypes et clichés: langue, discours, société. Paris: Nathan.
Amossy, Ruth & Anne Herschberg-Pierrot. 1991. Les idées reçus: sémiologie du stéréotype. Paris: Nathan.
Avenel, Cyprien. 2009. La construction du « problème des banlieues » entre ségrégation et stigmatisation. Journal français de psychiatrie 34.3. 36–44.
Benjamin, Walter. 2003. Paris, capitale du XIXe siècle: exposé. Paris: Éditions Allia.
Blanc, Jean-Noël. 1991. Polarville: images de la ville dans le roman policier. Lyon: Presses Universitaires de Lyon.
Bleton, Paul. 2012. Meurtre ne rime à rien: La ville dans le roman policier français des années 1958-1981. Revue critique de Fixxion contemporaine. www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx10.03/932.
Castoriadis, Cornelius. 1975. L’Institution imaginaire de la société. Paris: Éditions du Seuil.
Chartier, Roger. 1989. Le monde comme représentation. Annales ESC 6. 1505–1520.
Collot, Michel. 2014. Pour une géographie littéraire. Paris: Editions Corti.
Dubois, Jacques. 2005. Le roman policier ou la modernité. Paris: Armand Colin.
Jouve, Annie. 1996. La France des villes, le temps des métropoles. Rosny: Breal.
Lefebvre, Henri. 1968. Le droit à la ville. Paris: Éditions Anthropos.
Lefebvre, Henri. 1968. L'irruption de Nanterre au sommet. L'Homme et la société 8. 49–99.
Marchal, Hervé. 2018. La sociologie urbaine. Paris: Presses Universitaires de France.
Merrifield, Andy. 2002. Metromarxism: A tale of the marxist city. New York: Routledge.
Moretti, Franco. 2000 [1997]. Atlas du roman européen: 1800-1900. Paris: Seuil.
Nitsch, Wolfram. 2015. Topographien: Zur Ausgestaltung literarischer Räume. In Jörg Dünne & Andreas Mahler (eds.), Handbuch Literatur & Raum, 30–40. Berlin/Munich/Boston: De Gruyter.
Westphal, Bertrand, 2007. La Géocritique, Réel, Fiction, Espace. Paris: Éditions de Minuit.
Westphal, Bertrand, 2001. La Géocritique mode d’emploi. Limoges: PULIM.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : matthias.kern@tu-dresden.deLes notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
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Section 11: Programme
Section 12 : Corps et capital dans le roman du XIXe siècle
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Section 12 : Description
Julia Borst, Gisela Febel
Universität Bremen
borst@uni-bremen.de, febel@uni-bremen.de
Corps et capital dans le roman du XIXe siècle
Au XIXe siècle, le roman devient le genre populaire par excellence. Dans notre section, nous nous proposons d’analyser comment les images du corps et les politiques du capital s’inscrivent dans l’imaginaire et la mémoire de la société française à travers les romans populaires du XIXe siècle. La circulation des biens et des capitaux, les changements dans les secteurs financier et commercial ainsi que l’ascension et la chute sociale des personnages, causées toutes les deux par le capitalisme croissant, forment des aspects centraux de ces romans. Du point de vue du « body turn » (Gugutzer 2006) et des body studies (DeMello 2014), nous proposons une relecture de ce thème intimement lié à la représentation des corps et aux pratiques d’incorporation et d’incarnation.
Depuis Bourdieu (1979), nous savons que le corps est un capital social. Il est marchandise et moyen de production, signe symbolique d’appartenance à une classe sociale, base du self-fashioning (Greenblatt 1980) et de la mode, lieu pour négocier les relations des sexes, des genres et de pouvoir (Butler 1995), motif pour exclusions sociales et racisme. Le corps est objet de châtiments, de sanctions et de contrôle social (Boltanski 1976, Foucault 1975), support d’affects, d’obsessions et de maladies ainsi que lieu de rébellion et de résistance (DeMello 2014). Les mécanismes de contrôle affectif et les liens sociaux telles que la honte, l’amitié, l’amour et la loyauté sont négociés à travers lui (Neckel 1991 ; Luhmann 1982 ; Eribon 2013). Les romans racontent tout cela. En outre, ils mettent en scène des catégories de classification et de hiérarchisation des corps capitalisés comme ceux des ouvriers et ouvrières, des courtisanes, des corps (souvent) féminins obsédés de consommation ou réduits à l’état de marchandise (Bowlby 1985 ; Bell 1988), des corps gras d’industriels et de banquiers ; les processus industrialisés de la production « humaine » (p. ex. mannequins, prothèses, androïdes, corps mécaniques) ou les métaphores du corps utilisées pour décrire les structures capitalistes (processus de digestion, cannibalisme, etc.). Les figures de la négation du caractère commercial du corps, repérables dans le cas des grévistes ou des gavroches, les suicides et les attentats anarchistes, etc., appartiennent également à la question du corps et du capital – du corps comme capital.
Au fil du développement récent des biotechnologies, la question de la capitalisation des corps humains s’est davantage posée (Lettow 2015). Des voix critiques telles que celle de Fraser (2013) soutiennent que la tendance, apparue au XIXe siècle, à étendre la logique du marché à tous les domaines de la société et de la nature, doit être freinée. Les dérives d’un tel marketing universel du corps et les figures des perdants dans ce processus de capitalisation sont décrites dans les romans de Balzac, Zola et Vallès, Hugo et Sue, Flaubert, Maupassant, Verne et Gaboriau, George Sand et Camille Bias, George de Peybrune et Louise Vallory, Georges Darien et Maurice Barrès, etc. Dans cette section, nous analyserons les intrications du corps et du capital dans la littérature du XIXe siècle.
Bibliographie
Bell, David F. 1988. Models of Power. Politics and Economics in Zola’s Rougon-Macquart. Lincoln: Univ. of Nebraska Press.
Boltanski, Luc. 1976. Die soziale Verwendung des Körpers. In Kamper, Dietmar & Volker Rittner (eds.), Zur Geschichte des Körpers. Perspektiven der Anthropologie, 138–183. München: Hanser.
Bourdieu, Pierre. 1979. La distinction. Critique sociale du jugement. Paris: Minuit.
Bowlby, Rachel. 1985. Just Looking. Consumer Culture in Dreiser, Gissing and Zola. New York: Methuen.
Butler, Judith. 1995. Körper von Gewicht. Die diskursiven Grenzen des Geschlechts. Berlin: Berlin Verlag [1993. Bodies that matter: on the discursive limits of „sex“. London: Routledge].
DeMello, Margo. 2014. Body Studies: An Introduction. New York: Routledge.
Eribon, Didier. 2013. La société comme verdict. Classes, identités, trajectoires. Paris: Fayard.
Foucault, Michel. 1975. Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris: Gallimard.
Fraser, Nancy. 2013. Between Marketization and Social Protection. In Fraser, Nancy (ed.), Fortunes of Feminism. From State-Managed Capitalism to Neoliberal Crisis, 227–242. London: Verso.
Greenblatt, Stephen. 1980. Renaissance Self-Fashioning: From More to Shakespeare. Chicago: Univ. of Chicago Press.
Gugutzer, Robert (ed.). 2006. body turn. Perspektiven der Soziologie des Körpers und des Sports. Bielefeld: transcript.
Lettow, Susanne. 2015. Biokapitalismus und die Inwertsetzung der Körper. Perspektiven der Kritik. In PROKLA. Zeitschrift für kritische Sozialwissenschaft 178. 33–49. prokla.de/index.php/PROKLA/article/view/227.
Luhmann, Niklas. 1982. Liebe als Passion. Zur Codierung von Intimität. Frankfurt a. M.: Suhrkamp.
Neckel, Sighard. 1991. Status und Scham. Zur symbolischen Reproduktion sozialer Ungleichheit. Frankfurt a. M.: Campus.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : borst@uni-bremen.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
Die Einreichungen haben eine Länge von höchstens 500 Wörtern (ohne Bibliographie). Für die Einreichungen wird die Vorlage verwendet, die auf der Wiener Webseite des Kongresses verfügbar ist, in französischer oder deutscher Sprache; sie sollen bis zum 15. Januar 2022 an die folgende Adresse geschickt werden: borst@uni-bremen.de. Über die Annahme wird bis 28. Februar 2022 informiert.
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Section 12: Programme
Section 13 : À bout de souffle ? Cinéma populaire et « cinéphilie régressive »
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Section 13 : Description
Anne-Sophie Donnarieix, Jonas Hock
Universität Regensburg
Anne-Sophie1.Donnarieix@ur.de, Jonas.Hock@ur.de
À bout de souffle ?
Cinéma populaire et « cinéphilie régressive »
Lors du confinement en 2020, le public français se serait massivement tourné vers les grands classiques du cinéma populaire au lieu de « s’autoriser une remise à niveau télévisuelle » (Nicolas Santoralia). Désireux de consommer des films légers, il aurait favorisé les comédies des années 1970 et 1980, au point d’inciter des professionnel(le)s du cinéma à reprocher aux chaînes publiques de ne diffuser « rien d’autre issu de notre extraordinaire patrimoine cinématographique » (tribune du 26/04/2020 dans Le Monde). Que signifie « cette cinéphilie en apparence régressive » (Santoralia) au-delà du contexte contemporain de la pandémie de Covid-19 ? Si nous reprenons cette formule volontairement provocatrice, c’est pour mettre en valeur son potentiel analytique, à savoir ses dimensions temporelle (retour en arrière), psychologique (recul vers un stade moins évolué), mais également symptomatique (sur le plan esthétique comme politique).
Il conviendra, avant tout, de revenir sur la notion de « cinéma populaire » et d’en définir les diverses acceptions. Que recouvre aujourd’hui ce terme et quelles évolutions a-t-il connues depuis les débuts du 7e art ? Alors que le film populaire tend à être représenté comme l’envers de la haute culture du cinéma d’auteur ou d’avant-garde, cette opposition reste problématique, et les notions poreuses. Entre emprunt et transformation, Godard pastiche à l’envi les univers du film d’espionnage (Alphaville), du drame romantique (Tout va bien) ou du film de gangsters (À bout de souffle). D’autres, comme Resnais, procèdent à l’insertion de chansons populaires dans le film (On connaît la chanson) ou se laissent, comme Molinaro, inspirer par les scènes type du film noir (Des femmes disparaissent). À l’inverse, certains films d’avant-garde sont aujourd’hui « repopularisés » grâce à leur récupération – citationnelle ou allusive – par d’autres metteurs et metteuses enscène. Quelles sont les modalités d’inscription du populaire hors de ses modèles de prédilection ? Quel rôle joue-t-il dans l’histoire du film de langue française, entre source d’inspiration et repoussoir critique ?
D’autre part, il s’agira d’envisager le « populaire » dans son étymologie la plus stricte et d’étudier le rapport du film au « peuple ». Depuis La Sortie de l’usine Lumière, et jusqu’aux Misérables de Ladj Ly, le film apparaît comme un média privilégié pour explorer les milieux moins favorisés, loin des espaces convoqués par le spectacle bourgeois. Faudrait-il alors rapprocher le cinéma populaire d’une certaine visée sociale, et l’envisager depuis la notion de « cinéma engagé », voire de « cinéma-vérité » (Rouch, Morin) ? Cette fonction critique ou subversive constituera le pivot d’une réflexion sur la connotation volontiers dépréciative du cinéma populaire, qui tend à n’être appréhendé que dans la perspective d’une régression esthétique, voire politique. Du reste, le lien privilégié de la culture populaire avec le cinéma ne va plus de soi aujourd’hui, alors que s’imposent de nouvelles infrastructures médiales et supports audiovisuels. Cette section se réunira donc aussi autour de la question suivante : Qu’en est-il du « souffle » du cinéma populaire en France et dans la Francophonie, à l’heure de Netflix et Youtube ?
Bibliographie
Bosséno, Christian-Marc & Yannick Dehée (eds.). 2004. Dictionnaire du cinéma populaire français des origines à nos jours. Paris: nouveau monde.
Brey, Iris. 2021. Le regard féminin. Une révolution à l’écran. Paris: Éditions de l’Olivier.
Cadé, Michel. 2000. L’écran bleu. La représentation des ouvriers dans le cinéma français. Perpignan: Presses Universitaires de Perpignan.
Darré, Yann. 2000. Histoire sociale du cinéma français. Paris: La Découverte.
Diao, Claire. 2017. Double vague. Le nouveau souffle du cinéma français. Vauvert: Au diable.
Duval, Julien. 2016. Le cinéma au XXe siècle. Entre loi du marché et règles de l’art. Paris: CNRS Éditions.
Flinn, Margaret C. 2014. The Social Architecture of French Cinema: 1929-1939. Liverpool: Liverpool University Press.
Gott, Michael & Thibaut Schilt (eds.). 2019. Cinéma-monde: Decentred Perspectives on Global Filmmaking in French, Edinburgh: Edinburgh University Press.
Goubel, Francis. 2018. Le cinéma français de 1958 à 1967: de la Nouvelle Vague aux prémices de Mai 68. Paris: L’Harmattan.
Grass, Séverine. 2014. Le cinéma-vérité. Films et controverses. Rennes: Presses Universitaires de Rennes.
Kern, Matthias. 2021. L’esthétique populiste: « L’Amour du peuple » dans la culture française de l’entre-deux-guerres. Berlin: De Gruyter.
Le Gras, Gwénaëlle & Geneviève Selier (eds.). 2015. Cinémas et cinéphilies populaires dans la France d’après-guerre 1945-1958. Paris: Nouveau Monde.
Lenk, Sabine. 1989. Théâtre contre Cinéma. Die Diskussion um Kino und Theater vor dem Ersten Weltkrieg in Frankreich. Münster: Maks.
Orlando, Valérie K. 2017. New African Cinema. New Brunswick: Rutgers University Press.
Plasseraud, Emmanuel. 2011. L’art des foules. Théories de la réception filmique comme phénomène collectif en France (1908-1930). Villeneuve d’Ascq: Presses Universitaires du Septentrion.
Prédal, René. 1972. La société française (1914-1945) à travers le cinéma. Paris: Armand Colin.
Richter, Christian. 2020. Fernsehen - Netflix - Youtube: zur Fernsehhaftigkeit von On-Demand-Angeboten, Bielefeld: transcript.
Waldron, Darren & Isabelle Vanderschelden (eds.). 2007. France at the Flicks. Trends in Contemporary French Popular Cinema. Newcastle: CSP.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’une des adresses suivantes : anne-sophie1.donnarieix@ur.de / jonas.hock@ur.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
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Section 13: Programme
Section 14 : Envie de lire et soif de savoir : stratégies littéraires de la popularisation du savoir aux XVIIIe et XIXe siècles
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Section 14 : Description
Susanne Greilich1, Beatrice Nickel2
1Universität Regensburg, 2Ruhr-Universität Bochum
susanne.greilich@ur.de, Beatrice.Nickel@ruhr-uni-bochum.de
Envie de lire et soif de savoir : stratégies littéraires de la popularisation du savoir aux XVIIIe et XIXe siècles
Dans le contexte de l’idée des philosophes selon laquelle la diffusion de connaissances modernes sert le progrès social et donc le bonheur humain l’accès généralisé aux savoirs devient un des postulats centraux des Lumières. De nouveaux genres et de nouveaux organes de presse apparaissent pour permettre à un public de plus en plus large d’accéder au savoir contemporain. Outre les dictionnaires encyclopédiques et la presse périodique, les genres littéraires (récit de voyage, drame bourgeois, conte philosophique, etc.) jouent un rôle important. Ce processus s’intensifie au cours du XIXe siècle avec l’augmentation de nouvelles connaissances et la différenciation progressive des sciences, d’une part, et avec l’émergence de la presse populaire et une alphabétisation croissante, d’autre part.
La section s’interroge sur les conditions esthétiques qui évoquent, aux XVIIIe et XIXe siècles, le plaisir et l’envie d’une lecture scientifique auprès d’un public plus large. En se basant sur une vaste notion de ‘littérature’, elle focalise sur l’utilisation de procédés littéraires et esthétiques par des textes axés sur la transmission de connaissances. Comment la littérature traite-t-elle esthétiquement le savoir et le rend digne d’être lu ? Quels sont les procédés narratifs ou dramatiques utilisés ? Comment des moments de surprise par rapport aux connaissances transmises sont-ils créés, permettant de nouvelles perspectives et des points de vue alternatifs ? Quelles méthodes s’avèrent si efficaces qu’elles sont imitées par d’autres textes ou genres ? Comment et où les genres fictionnels et scientifiques populaires s’entremêlent-ils ? Et où sont les limites de l’envie de lire et de la soif de savoir, plus concrètement: Où l’objectif de « popularité » risque-t-il de devenir un danger pour l’orientation scientifique des textes ?
La section se serve d’une notion de popularisation au sens double : au sens de la transmission et de la diffusion de connaissances au grand public d’une part et de la popularité de procédures et de formes esthétiques spécifiques, d’autre part. Le terme de popularisation n’est pas compris comme synonyme de vulgarisation, car il ne va pas inévitablement de pair avec une banalisation des connaissances – soient-elles de nature géographique, politique, ethnologique, économique, technique ou morale. En outre, l’accent ne sera pas mis sur les genres fictionnels et non-fictionnels en tant que tels, dont on se sert pour diffuser les connaissances, tels que le roman, le conte, la nouvelle, le drame, la poésie, l’essai, la presse périodique ou les encyclopédies. Mais plutôt sur les procédures littéraires qu’utilisent ces textes pour rendre « lisibles » le savoir scientifique et pour évoquer la curiosité du lectorat. On pourrait penser à l'utilisation de figures de narrateurs, des adresses de lecteurs, de la narration anecdotique, du dialogue, de l’utilisation d’exempla, de la mise en scène théâtrale du savoir, etc.
La section vise donc une perspective transgénérique des processus littéraires mis au service de la diffusion de connaissances, ayant pour but d’établir une poétologie du savoir populaire aux XVIIIe et XIXe siècles.Bibliographie
Bies, Michael/Gamper, Michael/Kleeberg, Ingrid (ed.). 2013. Gattungs-Wissen. Wissenspoetologie und literarische Form. Göttingen: Wallstein.
Böning, Holger. 1988. Der ‘gemeine Mann’ als Adressat aufklärerischen Gedankenguts. Ein Forschungsbericht zur Volksaufklärung“. Das achtzehnte Jahrhundert. Mitteilungen der DGEJ 12. 52–80.
Elm, Veit (ed.). 2010. Wissenschaftliches Erzählen im 18. Jahrhundert. Geschichte, Enzyklopädik, Literatur. Berlin: Akademie Verlag.
Föcking, Marc. 2002. Pathologia litteralis. Erzählte Wissenschaft und wissenschaftliches Erzählen im französischen 19. Jahrhundert. Tübingen: Narr.
Gipper, Andreas. 2000. Wunderbare Wissenschaft. Literarische Strategien naturwissenschaftlicher Vulgarisierung in Frankreich (Von Cyrano de Bergerac bis zur Encyclopédie). München: Fink.
Greilich, Susanne/Lüsebrink, Hans-Jürgen (ed.). 2020. Écrire l’encyclopédisme, du XVIIIe siècle à nos jours. Paris: Classiques Garnier.
Hickethier, Knut/Schumann, Katja (ed.). 2007. Die schönen und die nützlichen Künste. Literatur, Technik und Medien seit der Aufklärung. München: Fink.
Klinkert, Thomas. 2010. Epistemologische Fiktionen: Zur Interferenz von Literatur und Wissenschaft seit der Aufklärung. Berlin/New York: De Gruyter.
Köppe, Tilmann (ed.). 2011. Literatur und Wissen. Theoretisch-methodische Zugänge. Berlin/New York: De Gruyter.
Lütge, Christoph/Strosetzki, Christoph (ed.). 2017. Zwischen Bescheidenheit und Risiko. Der ehrbare Kaufmann im Fokus der Kulturen. Wiesbaden: Springer.
Richter, Karl/Schönert, Jörg/Titzmann, Michael (ed.). 1997. Die Literatur und die Wissenschaften 1770-1930. Stuttgart: M&P.
Schlünder, Susanne/Stahl, Andrea (ed.). 2018. Affektökonomien im 18. Jahrhundert. München: Fink.
Stöber, Rudolf/Nagel, Michael/Blome, Astrid/Kutsch, Arnulf (ed.). 2015. Aufklärung der Öffentlichkeit – Medien der Aufklärung: Festschrift für Holger Böning zum 65. Geburtstag. Stuttgart: Steiner.
Struve, Karen. 2020. Wildes Wissen in der Encyclopédie. Koloniale Alterität, Wissen und Narration in der französischen Aufklärung. Boston/Berlin: De Gruyter.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : susanne.greilich@ur.de et Beatrice.Nickel@ruhr-uni-bochum.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
Die Einreichungen haben eine Länge von höchstens 500 Wörtern (ohne Bibliographie). Für die Einreichungen wird die Vorlage verwendet, die auf der Wiener Webseite des Kongresses verfügbar ist, in französischer oder deutscher Sprache; sie sollen bis zum 15. Januar 2022 an die folgende Adresse geschickt werden: susanne.greilich@ur.de und Beatrice.Nickel@ruhr-uni-bochum.de. Über die Annahme wird bis 28. Februar 2022 informiert.
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Section 14: Programme
Section 15 : De la popularité des 'classes populaires' – les récits de la misère dans la littérature et le cinéma
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Section 15 : Description
Lars Henk, Lea Sauer, Gregor Schuhen
Université Koblenz-Landau (Campus Landau)
henk@uni-landau.de, sauer@uni-landau.de, schuhen@uni-landau.de
De la popularité des classes populaires – les récits de la misère dans la littérature et le cinéma
Depuis la fin du XXe siècle, on observe un intérêt accru pour les classes populaires, non seulement dans les sciences sociales, mais aussi dans le domaine des études littéraires et des médias. Cela coïncide avec la fin des Trente glorieuses, ère de croissance économique et de prospérité des régions industrielles françaises. La désindustrialisation et les transformations sociales, telles que la mondialisation, la numérisation et la migration, ont aggravé les inégalités entre les classes sociales que la prospérité antérieure avait cachées – quant à l’ancienne classe ouvrière, la notion multidimensionnelle de « précarité » vise à saisir les conséquences de ces changements structurels (cf. Bourdieu 1998 ; Castel 2003 ; Dörre 2017 ; Henk, Schröer & Schuhen 2022).
À partir de ce moment, la littérature française se consacre de plus en plus à la misère des classes populaires en se référant aux concepts sociologiques. En France, c’est surtout Pierre Bourdieu (1993 ; 1998) qui a déclenché un véritable « boom » de la question sociale dans les débats publics. Sa sociologie engagée offre à la littérature un large arsenal de concepts pour examiner la reproduction de l’ordre social. Les effets de couplage entre la sociologie bourdieusienne et la littérature se sont entretemps intensifiés : En particulier, ses essais Esquisse pour une auto-analyse (2004) ainsi que L’illusion biographique (1994) passent par un programme narratologique pour les autosociobiographies de Didier Eribon, Édouard Louis et Annie Ernaux (cf. Spoerhase 2018 ; Schuhen 2021). Ils reflètent sociologiquement leur ascension intellectuelle, c’est-à-dire leur statut de « transclasse » (Jaquet 2014).
Ce double constat d’un retour des classes populaires et d’une écriture engagée est souvent considéré comme « un renouveau du réalisme » dans les arts narratifs (cf. Asholt 2013 ; Florey 2013 ; Viart 2012). Cela ne concerne pas seulement la littérature, mais aussi le cinéma : le Cinéma de Banlieue, dans sa dimension sociologique, reste particulièrement important, par exemple avec le « remake » cinématographique des Misérables (2019) ou bien le drame Bande de Filles (2014). Au-delà, le cinéma social des frères Dardenne traite depuis longtemps de la détresse existentielle de la classe ouvrière.
Le retour des récits nommés « réalistes » s’inscrit dans la tradition des courants littéraires du XIXe siècle, dont plusieurs des auteurs mentionnés plus haut s’inspirent explicitement. Ainsi, Émile Zola a-t-il établi le prolétariat comme objet de littérature par son ethnographie précise de la société française sous le Second Empire. Contrairement à la transfiguration romantico-idéaliste du peuple chez Hugo, Zola est l’un des premiers écrivains à dépeindre la vie ouvrière à Paris et en province.
Notre section invite à réfléchir sur les classes populaires dans une perspective d’études littéraires et des médias. L’objectif est d’explorer les classes populaires entre la tradition littéraire du réalisme/naturalisme et le déclinisme de la « modernité tardive » (Nancy 2015). Dans la figure du misérable, le motif de la misère et la figure sociale de l’ouvrier peuvent s’entremêler.
Bibliographie
Altenhain, Claudio et. al. (eds.). 2008. Von ,Neuer Unterschicht’ und Prekariat. Gesellschaftliche Verhältnisse und Kategorien im Umbruch. Kritische Perspektiven auf aktuelle Debatten. Bielefeld: transcript.
Asholt, Wolfgang. 2013. Un renouveau du ‚réalisme‘ dans la littérature contemporaine? Lendemains 150/151. 22–35.
Bourdieu, Pierre et. al. 1993. La misère du monde. Paris: Éditions du Seuil.
Bourdieu, Pierre. 1994. L’illusion biographique. In Pierre Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de l’action, 81–89. Paris: Éditions du Seuil.
Bourdieu, Pierre. 1998. Contre-feux. Propos pour servir à la résistance contre l’invasion néo-libérale. Paris: Raisons d’agir.
Castel, Robert. 2003. L’insécurité sociale: Qu’est-ce qu’être protégé? Paris: Éditions du Seuil et La République des Idées.
Dörre, Klaus. 2017. Prekarität. In Kirsch-Kreinsen, Hartmut & Heiner Minssen (eds.), Lexikon der Arbeits- und Industriesoziologie, 258–261. Baden-Baden: Nomos.
Florey, Sonja. 2013. L’engagement littéraire à l‘ère néolibérale. Villeneuve d’Ascq: Presses universitaires du Septentrion.
Henk, Lars, Marie Schröer & Gregor Schuhen (eds.). 2022. Prekäre Männlichkeiten. Klassenkämpfe, soziale Ungleichheit und Abstiegsnarrative. Bielefeld: transcript.
Jaquet, Chantal. 2014. Les transclasses ou la non-reproduction. Paris: Presses universitaires de France.
Reckwitz, Andreas. 2019. Das Ende der Illusionen. Politik. Ökonomie und Kultur in der Spätmoderne. Frankfurt/M.: Suhrkamp.
Schuhen, Gregor. 2021. Vom autobiographischen „je“ zum sozialen „Je“. Autosoziobiografien als Form der littérature engagée. In Eser, Patrick & Jan Henrik Witthaus (eds.), Soziale Ungleichheit in Literatur und Film (Lateinamerika, Spanien und Frankreich). Frankfurt/M./New York: Peter Lang.
Spoerhase, Carlos. 2018. Aufstiegsangst: Zur Autosoziobiographie des Klassenübergängers. In Jaquet, Chantal (ed.), Zwischen den Klassen. Über die Nicht-Reproduktion sozialer Macht, 231–253. Konstanz: Konstanz university press.
Viart, Dominique. 2012. Écrire le travail. Vers une sociologisation du roman contemporain? In Viart, Dominique & Rubino Gianfrano (eds.), Écrire le présent, 135–154. Paris: Armand Colin.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : henk@uni-landau.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
Die Einreichungen haben eine Länge von höchstens 500 Wörtern (ohne Bibliographie). Für die Einreichungen wird die Vorlage verwendet, die auf der Wiener Webseite des Kongresses verfügbar ist, in französischer oder deutscher Sprache; sie sollen bis zum 15. Januar 2022 an die folgende Adresse geschickt werden: henk@uni-landau.de. Über die Annahme wird bis 28. Februar 2022 informiert.
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Section 15: Programme
Section 16 : Du frisson au 'thrill' : mutations d’un paradigme moderne (XIXe–XXIe siècles)
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Section 16 : Description
Christoph Groß1, Lena Schönwälder2
1Ruhr-Universität Bochum, 2Goethe-Universität Frankfurt am Main
christoph.gross@rub.de, schoenwaelder@em.uni-frankfurt.de
Du frisson au thrill : mutations d’un paradigme moderne (XIXe–XXIe siècles)
Qu’est-ce qu’un frisson ? Oscillant entre physiologie et psychologie, le frisson est un phénomène difficile à saisir. Il aime mieux saisir qu’être saisi. Il peut être l’indice corporel d’un effroi, mais aussi la réaction à une caresse, un regard, un film à suspense, un air de musique. Dans le frisson, il arrive que, sans savoir pourquoi, une sensation analogue à celle du froid parcourt soudainement, rapidement la surface de la peau, la touche d’une main invisible, d’un souffle glacial. Signe avant-coureur d’horreur, mais aussi d’excitation euphorique, le frisson est un phénomène quotidien et subtile, qui module en même temps nos relations au monde, aux autres comme à nous-mêmes. En tant que tel, il apparaît aussi avec sa propre histoire littéraire dont l’apogée coïncide avec les XIXe–XXIe siècles. Or, cette histoire reste encore à écrire.
À partir de 1800, le temps est aux sensations : sensations dont l’intensité touche aux limites du plaisir et qui est susceptible de se renverser, à tout moment, en irritation provoquant frémissement, angoisse, souffrance. Au tournant des Lumières, de Sade introduit le frisson dans ses sombres tableaux d’un érotisme voué à l’excitation dysphorique. Ensuite, le romantisme s’acharne sur l’expérience du sublime, à laquelle le roman gothique joindra une esthétique du froid et de l’horrible. Selon Hugo, Baudelaire se fait auteur d’un « frisson nouveau » qui centrera la poésie sur l’expérience du choc moderne. Désormais, le grand mot de la névrose hante l’imaginaire culturel de l’époque. Alors, la symptomatologie de la surexcitabilité nerveuse crée de nouvelles formes esthétiques : effrois, tressaillements, convulsions, évanouissements, accès de fièvre enchaînent le long cortège des mornes bacchanales de l’esthétique « décadente ».
Les poétiques des avant-gardes du XXe siècle (dada, surréalisme, théâtre de la cruauté, etc.) reposent largement sur des effets d’intensité. Il sera donc question d’examiner comment le concept historique du frisson s’adapte aux codes culturels d’aujourd’hui. Mais ce ne sont pas exclusivement les avant-gardes qui promeuvent une esthétique du frisson. C’est surtout dans les genres dits « populaires » – notamment pulp, thriller, policier, roman d’horreur, littérature érotique –, que le frisson se voit transformé en thrill moderne. L’émergence de ces nouvelles formes littéraires va désormais de pair avec un nouveau lexique de l’excitation où le thrill fait figure d’expression psychologique et physiologique de l’angoisse ou, au contraire, de l’extase et du désir : palpitations cardiaques, chair de poule, etc.
Aujourd’hui, la notion de frisson est devenue un concept clé de la recherche expérimentale sur les aesthetic chills, qui sont considérés comme des gratifications psychophysiques suscitées par des œuvres artistiques. Le frisson ouvre le vaste champ d’une phénoménologie des micro-perceptions et les indexe sur le vécu corporel. En tant que tel, il constitue un plaisir malgré soi : c’est une émotion qui saisit, qui est hors de notre contrôle – mais dont nous tirons aussi un certain agrément. Le frisson est ancré dans une expérience d’hétéronomie qui questionne et déconstruit les mythologies du sujet autonome. Le frisson pourrait donc être interprété comme paradigme d’une expérience spécifiquement moderne.
Bibliographie
Alfes, Henrike F. 1995. Literatur und Gefühl: emotionale Aspekte literarischen Schreibens und Lesens. Opladen: Westdeutscher Verlag.
Anz, Thomas. 2002. Literatur und Lust: Glück und Unglück beim Lesen. München: Dt. Taschenbuch-Verl.
Barthes, Roland. 1982. Le Plaisir du texte. Paris: Éditions du Seuil.
Bériachvili, Georges. 2016. Frisson esthétique: à la recherche d’une explication théorique. International Review of the Aesthetics and Sociology of Music. Croatian Musicological Society 47(1). 63–85.
Brittnacher, Hans Richard. 1994. Erregte Lektüre – der Skandal der phantastischen Literatur. Germanisch-Romanische Monatsschrift 44. 1–17.
Groß, Christoph. 2021. Agonie et extase: Baudelaire et l’esthétique de la douleur. Paris: Classiques Garnier.
Herold, Milan. 2017. Der lyrische Augenblick als Paradigma des modernen Bewusstseins: Kant, Schlegel, Leopardi, Baudelaire, Rilke. Göttingen: V&R Unipress/Bonn University Press.
Hornuff, Daniel. 2016. “Und aus der Erde singt das Kind”: Schaudern als Kulturtechnik. In Tannert, Christoph (ed.), Neue schwarze Romantik, 22–33. Berlin: Künstlerhaus Bethanien.
Hornuff, Daniel, Michael Kunze & Christoph Tannert. 2016. Neue schwarze Romantik. Berlin: Künstlerhaus Bethanien.
Jauss, Hans Robert. 1991. Die nicht mehr schönen Künste: Grenzphänomene des Ästhetischen [dritte Kolloquium der Forschungsgruppe, das vom 4. bis 10. September 1966 in Lindau stattfand]. München: W. Fink.
Kieran, Matthew. 2002. On Obscenity: The Thrill and Repulsion of the Morally Prohibited. Philosophy and Phenomenological Research 64(1). 31–55.
Leffler, Yvonne. 2000. Horror as pleasure: the aesthetics of horror fiction. Stockholm: Almqvist & Wiksell International.
Liessmann, Konrad Paul. 2004. Reiz und Rührung: über ästhetische Empfindungen. Wien: WUV.
Meyer-Sickendiek, Burkhard. 2005. Affektpoetik: eine Kulturgeschichte literarischer Emotionen. Würzburg: Königshausen und Neumann.
Poppe, Sandra (ed.). 2012. Emotionen in Literatur und Film. Würzburg: Königshausen & Neumann.
Rivalan Guégo, Christine. 1998. Frissons-fictions: romans et nouvelles en Espagne (1894-1936). Rennes: Presses Univ. de Rennes.
Sarasin, Philipp. 2001. Reizbare Maschinen: eine Geschichte des Körpers 1765-1914. Frankfurt/M.: Suhrkamp.
Scherer, Klaus R. 1998. Emotionsprozesse im Medienkontext: Forschungsillustrationen und Zukunftsperspektiven. Medienpsychologie 10(4). 276–293.
Schönwälder, Lena. 2018. Schockästhetik: von der “Ecole du mal” über die “letteratura pulp” bis Michel Houellebecq. Tübingen: Narr Francke Attempto.
Wassiliwizky, Eugen, Stefan Koelsch, Valentin Wagner, Thomas Jacobsen & Winfried Menninghaus. 2017. The emotional power of poetry: neural circuitry, psychophysiology and compositional principles. Social Cognitive and Affective Neuroscience 12(8). 1229–1240. doi.org/10.1093/scan/nsx069.
Zelle, Carsten. 1987. Angenehmes Grauen: literaturhistorische Beiträge zur Ästhetik des Schrecklichen im achtzehnten Jahrhundert. Hamburg: F. Meiner.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : christoph.gross@rub.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
Die Einreichungen haben eine Länge von höchstens 500 Wörtern (ohne Bibliographie). Für die Einreichungen wird die Vorlage verwendet, die auf der Wiener Webseite des Kongresses verfügbar ist, in französischer oder deutscher Sprache; sie sollen bis zum 15. Januar 2022 an die folgende Adresse geschickt werden: christoph.gross@rub.de. Über die Annahme wird bis 28. Februar 2022 informiert.
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Section 16: Programme
Section 17 : La petite patrie populaire : variations du roman régionaliste et régional dans la littérature francophone contemporaine
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Section 17 : Description
Marina Ortrud M. Hertrampf1, Christoph Oliver Mayer2
1Universität Passau, 2Humboldt-Universität Berlin
marina.hertrampf@uni-passau.de, christoph.mayer@hu-berlin.de
La petite patrie populaire : variations du roman régionaliste et régional dans la littérature francophone contemporaine
Les mises en scène littéraires des régions rurales sont aussi anciennes que la littérature. Dans la littérature francophone, l’apogée de cette tendance semble les romans provençaux de Pagnol et de Giono, mais aussi le roman du terroir québécois. Cependant, dans le contexte actuel de globalisation et d’européanisation naît un besoin croissant de renouer avec des œuvres littéraires qui mettent à l’honneur le patrimoine local et régional et ce, au-delà des frontières des différentes littératures nationales. La tendance, qui consiste à écrire les territoires ou à les décrire, s’observe non seulement dans divers genres narratifs, mais aussi dans l’ensemble de la production littéraire : des « livrets » de littérature populaire à la littérature haut de gamme, en passant par les romans policiers régionaux ou la littérature d'enfance et de jeunesse.
L’objectif de la section est de rendre compte de la diversité des romans régionalistes et régionaux « populaires » dans la production francophone contemporaine et, ce faisant, d’étudier les différences et les points communs entre les fonctions et les effets de mise en scène narrative des espaces ruraux des régions culturelles francophones dans la littérature populaire et générale. Une lecture critique des différents types de romans régionalistes et régionaux soulève toute une série de questions qui seront abordées et discutées de manière transversale dans le cadre de la section.- Qu’est-ce qui motive les auteurs à prendre pour sujet les espaces ruraux et quels objectifs (esthétiques, personnels et économiques) poursuivent-ils ?
- Qu’est-ce qui provoque l’adhésion de lecteurs de niveaux d’éducation très différents pour les romans régionalistes et régionaux ?
- Quelle signification la présentation géographique-topologique d’une région particulière a-t-elle dans et pour le roman ?
- La mise en scène littéraire d’une région particulière, d’un paysage (culturel), sert-elle uniquement à donner une couleur locale ou a-t-elle des motivations plus profondes, comme une fonction métaphorique ou symbolique ? Y a-t-il recours aux attributions historiques de certaines régions ?
- Comment le pays d’origine est-il représenté ? S’agit-il de représentations mimétiques ou d’images retravaillées par l’imagination ? La patrie est-elle transfigurée avec nostalgie en un espace idéal, élevée comme dans l’idylle au rang de locus amoenus ou simplement décrite de manière réaliste-laconique comme un « pays perdu » (Jourde) ?
- À quel niveau de la narration le régional et le rural jouent-ils un rôle ? La référence à ces espaces se limite-t-elle à la macrostructure, comme c’est le cas lors de descriptions de paysages ou de mentions de toponymes, de spécialités, etc. ou bien se dessine-t-il une esthétique « rurale » de l’écriture par l’emploi, p. ex., de traits dialectaux ?
Lorsqu’il s’agit de mettre en scène la terre d’origine, il faut toujours s’interroger sur les frontières entre modes de représentation traditionnels et folklorisants, populaires et populistes. La revalorisation ou la dévalorisation de la région en tant qu’élément populaire attire également l’attention sur les lecteurs : cela indique dans quelle mesure les références aux régions facilitent la réception en dehors de la zone concernée ou ont plutôt tendance à la compliquer.
Bibliographie
Coyault, Sylviane, Francis Langevin & Zuzaná Malinovska (ed.). 2012. Histoires de familles et de territoires dans la littérature québécoise actuelle, Acta Facultatis Philosophicae Universitatis Prešovensis.
Coyault, Sylviane. 2020. Délocalisation ou relocalisation: les écritures contemporaines de la province. In Mecke, Jochen & Anne-Sophie Donnarieix (ed.), La délocalisation du roman. Esthétiques néo-exotiques et redéfinitions des espaces contemporains, 169–79. Berlin et al.: Peter Lang.
Coyault, Sylviane. 2002. La province en héritage. Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Richard Millet. Genève: Droz.
Fournier, Mauricette (ed.). 2018. Rural Writing: Geographical Imaginary and Expression of a New Regionality. Cambridge Scholars Publishing.
Hertrampf, Marina Ortrud. 2020. Heimat – patrie/patria. (Re-)Konstruktion und Erneuerung im Kontext von Globalisierung und Migration: Einleitende Gedanken zu aktuellen (Re-) Konstruktions- und Erneuerungsprozessen. In Hartrampf, Marina Ortrud (ed.), Heimat – patrie/patria. (Re-) Konstruktion und Erneuerung im Kontext von Globalisierung und Migration. 7–25. München: AVM.
Hertrampf, Marina Ortrud. 2018. Le retour à la campagne: Terroir et régionalisme dans la littérature française d’aujourd’hui. In Hertrampf, Marina Ortrud & Beatrice Nickel (ed.), Kultur – Landschaft – Raum: Dynamiken literarischer Inszenierungen von Kulturlandschaften. Tübingen: Stauffenburg.
Jaquier, Claire. 2019. Par-delà le régionalisme. Roman contemporain et partage des lieux. Neuchâtel: Alphil.
Langevin, Francis. 2013. La régionalité dans les fictions québécoises d’aujourd’hui. temps zéro 6. tempszero.contemporain.info/document936.
Laurichesse, Jean Yves. 2020. Lignes de terre. Écrire le monde rural aujourd’hui. Paris: Classiques Garnier.
Lemire, Maurice. 2007. Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940). Montréal: Nota Bene.
Löffler, Katharina. 2017. Allgäu reloaded. Wie Regionalkrimis Räume neu erfinden. Bielefeld: transcript.
Mounir, Frédéric. 2015. Le polar régional détrône le roman de terroir. La Croix. https://www.la-croix.com/Actualite/France/TERRITOIRES-Le-polar-regional-detrone-le-roman-de-terroir-2015-03-24-1294669.Les résumés n’excèdent pas 500 mots (sans bibliographie). La soumission des résumés se fait à l’aide du formulaire téléchargeable sur le site web du Congrès, en langue française ou allemande, à envoyer jusqu’au 15 janvier 2022 (date limite) à l’adresse suivante : marina.hertrampf@uni-passau.de et christoph.mayer@hu-berlin.de. Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 28 février 2022.
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Section 17: Programme